« Docteur, j’ai du mal à digérer... »
Nous sommes dans les années 90, j’ai 20 ans environ.
Et plus ça va, plus mes repas relèvent davantage de la torture que du plaisir. Pas pendant, mais après. La digestion est compliquée et je suis quasi systématiquement malade. Mes symptômes : vomissements, mal au ventre, mal être.
J’en parle à mon médecin traitant, une fois, plusieurs fois, de nombreuses fois...
Les années passent et à chaque fois, une seule réponse : « ce doit être nerveux ! », « psychologique », « lié au stress »…
Soit.
Il est vrai que mes symptômes semblent s’être aggravés suite à 2 décès consécutifs, je suis effectivement profondément affectée.
Je finis par suivre les conseils de mon médecin et prends consciencieusement le traitement indiqué pour me détendre un peu ; mais ces cachets soi-disant salvateurs n’ont aucun effet, voire aggravent mon état. (J’apprendrai plus tard qu’ils contenaient du gluten et qu’ils m’étaient donc fortement contre-indiqués.)
Toujours dans l’incompréhension et face à la persistance de mes douleurs – maux de ventre, vomissements, fatigue-, le corps médical m’oriente alors vers l’ablation de la vésicule biliaire ! Sans nul doute, cette petite poche est responsable de tous mes désordres digestifs.
Les jours qui suivront infirmeront ce diagnostic et mes troubles persisteront, toujours aussi présents. Vous imaginez bien ma déception et au-delà, ma colère. J’ai subi une intervention chirurgicale importante et non sans conséquence pour…rien !
Un peu du mal à avaler la pilule, d’autant plus qu’aucune autre solution m’est apportée pour me soulager !
Et si c’était le gluten ?
Un soir, au détour d’un repas au restaurant entre amis, l’un des invités renonce à certains mets proposés sous prétexte qu’il est… « cœliaque ».
« Cé…quoi ? ».
Et de nous expliquer alors que loin d’être une lubie, il s’agit bel et bien d’une réelle maladie entrainant de fortes réactions aux aliments contenant du gluten.
« Du … quoi ? »
Explications. Descriptions. Constatations.
Mon mari y voit d’étranges ressemblances avec mes symptômes. « C’est comme toi ! » me dit-il avec la presque assurance d’avoir enfin trouvé ce que j’avais.
« Mais non enfin ! Ce n'est pas possible, je le saurais, depuis le temps que je me fais suivre, le médecin me l’aurait dit…et blablabli et blablabla ».
Un mois passe, mon cas s’aggrave encore, ses mots font leur chemin.
« Bon d’accord, je vais faire un essai. Demain, je supprime le gluten … pour voir ».
Pendant 15 jours, je m’astreins à un régime sans gluten strict. (Ce qu’il ne fallait absolument pas faire, je l’apprendrai plus tard. Toujours faire un test avant de supprimer le gluten de son alimentation, sinon les analyses sont faussées).
Il n’empêche que je vais mieux, beaucoup mieux même, Incroyable !
Je retourne chez mon médecin pour lui expliquer.
Et là, une parole qui résonne encore : « On est passé à côté ! » me répond-il désolé.
J’ai un peu de mal à digérer le… « on ».
Les examens s’enchaînent et en 2007 (près de 20 ans après !), je suis alors diagnostiquée « cœliaque ».
Le soulagement du diagnostic attendu depuis des années ne prend malheureusement pas le pas sur le choc.
Là encore, « du mal à digérer », à accepter cette maladie qui m’handicape depuis des années et qui pose un cadre alimentaire beaucoup trop contraignant à mon goût.
Que vais-je manger ?
Comment vais-je cuisiner ?
Pourrai-je continuer à aller au restaurant ?
Les questions se bousculent dans ma tête et les inquiétudes aussi.
Car les conséquences des écarts et de la consommation de gluten sont alors non seulement douloureuses mais décisives pour ma santé.
J’ai l’impression que ma vie sociale s’écroule. Je vais devoir à chaque fois être vigilante, expliquer, me justifier, prouver que ce n’est pas un choix mais une obligation vitale.
Je fais face à un entourage familial, professionnel, amical qui n’a aucune idée de ce qu’est le gluten.
Moi qui n’aime pas me faire remarquer, je me sens un peu trop sous les projecteurs. Mais force est de constater que ma santé s’améliore à la mise en place de ce régime.
Je changerai donc mes habitudes alimentaires.
Je découvre un fidèle compagnon : la boîte "Tupperware" qui accompagne tous mes repas lors de mes déplacements à l’extérieur.
Je me familiarise avec de nouvelles matières premières que je cuisine et deviens très attentive au marché du sans gluten qui doucement mais surement se démocratise et se développe.
Germera ensuite l’idée de vous faire partager mes connaissances, mes trouvailles, mes rencontres.
Un salon spécialisé dans « le sans gluten » m’ouvrira les portes de nombreux fournisseurs européens ayant quelques longueurs d’avance sur le sujet par rapport à la France.
Pour finalement me lancer dans l’aventure « CALICOTE ».
Qu'en est-il aujourd’hui ?
J’ai toujours du mal à digérer le gluten. J’ai toujours du mal à digérer les discriminations, les incompréhensions et les remarques déplacées de certains, les mauvais accueils au restaurant. " Mais Madame, on n'est pas un hôpital ! ", "on vous a mis des croutons, mais vous pouvez les enlever !".
Face à une maladie aussi sérieuse que la maladie cœliaque, j’ai du mal à digérer que l’information, même au sein du corps médical, soit encore trop succincte et la prise en charge pas toujours juste et réconfortante.
Vous comprendrez alors mieux (ce) qui se cache derrière CALICOTE.
Certes, une épicerie de produits sans gluten en ligne, une gamme vaste, la plus complète possible, répondant à tous les goûts et les plaisirs pour que le sans gluten ne soit pas une punition.
Mais aussi et inévitablement, des informations, des recettes gourmandes, des histoires que l’on partage pour se rendre compte que nous sommes nombreux sensibles au gluten.
Que nous sommes aussi nombreux à connaître des personnes allergiques et que plus nous en parlerons, plus le sujet sera connu, maîtrisé et normalisé et accepté et digéré.
Sandrine, 52 ans, créatrice de CALICOTE