Tu manges sans quoi ?!! - « Sans gluten » ! Heu… Mais encore ?
Je revois encore les yeux écarquillés de mon entourage, entre étonnement et compassion, inquiétude et sourire en coin : une nouvelle lubie ?
Tu fais un régime ? Pour maigrir ?
Ah non, des soucis de santé ? C’est grave ? Mais tu vas manger quoi ?
Octobre 2000.
Il y a plus de 20 ans déjà. Je sors d’une séance d’acuponcture et ma thérapeute vient fortement de me conseiller de supprimer le gluten de mon alimentation.
« Faîtes un essai sur quelques mois et voyez comment vous vous sentez ! ». Voilà un an et demi que ma deuxième fille est née. Je profite de mes deux bouts de choux avec joie et émerveillement.
Je partage mon temps entre mon travail de rédactrice et ma famille.
Les nuits ont été courtes ces derniers mois avec l’allaitement mais je commence à redormir. Je suis pourtant fatiguée. Normal. Il faut sans doute un peu de temps pour retrouver un rythme de sommeil réparateur. Cela devrait rentrer dans l’ordre une fois que j’aurais pris mes marques entre mon organisation de maman et celle de femme active. Mais la fatigue s’installe. Elle est profonde.
A l’époque, je découvre la médecine chinoise et consulte pour essayer de relancer cette énergie que je n’ai plus. - "Il semblerait que le système intestinal soit fragile. Vous souffrez de maux de ventre, de problèmes de digestion ? " "- Non, pas spécialement. Peut-être un peu de temps en temps mais rien de très douloureux. "
"- Etes–vous un peu plus fatiguée après les repas ? " "- C’est possible…"
Petite analyse des prédispositions et antécédents familiaux : spondylarthrite aigüe du côté de mon papa, cancer des intestins chez ma grand-mère…
(La spondylarthrite est une maladie rhumatismale dont les causes sont encore méconnues mais les recherches mettent tout de même en évidence des liens avec dysfonctionnements intestinaux).
- " Si j’étais vous, je débuterais un régime sans gluten. "
Et de m’expliquer en quoi cette petite protéine à la fois si présente et si invisible pouvait fragiliser mon système digestif et mon état général.
« Vos intestins ne jouent plus correctement leur rôle de filtre. Des toxines s’accumulent dans l’organisme et vous empoisonnent. Ça peut expliquer votre fatigue ! »
A l’époque, pas de dépistage préconisé. Je ne saurai jamais quel était mon niveau d’allergie ou d’intolérance. Cœliaque, je ne crois pas.
Mais ce régime se révèlera si bénéfique qu’il validera une fragilité discrète mais latente. Les bienfaits qui en découleront m’amèneront à l’adopter jusqu’à aujourd’hui encore.
Et bien, ok, chiche, banco...je me lance dans un régime « sans gluten ».
Bizarrement, je ne suis pas si affectée par ces restrictions. Je fais confiance et si ça peut me permettre de retrouver la pêche ! Cela fait plusieurs années que je fais attention à mon équilibre alimentaire. Que je cuisine aussi.
Alors, je prends rapidement à cœur de trouver astuces et recettes pour intégrer ce nouveau paramètre. Dès mon retour, ni une ni deux, tri et ménage dans mes tiroirs, suppression des farines classiques riches en gluten. Achat de nouvelles farines dont je ne soupçonnais pas l’existence et que je m’approprierai petit à petit. Si l’on se replace vingt ans en arrière, l’offre des produits sans gluten est bien moins importante. Et moins encadrée. Il faut faire preuve de créativité et d’ingéniosité.
Ça m’amuse, j’avoue. Merci à Valérie CUPILLARD pour ses recettes qui me permettent de me lancer et de tester. Merci à mon homéopathe qui me parle de Marion KAPLAN et de son livre « alimentation sans gluten et sans laitage ».
Je lis et me renseigne de-ci, de-là. Pas sur les réseaux sociaux, ils ne sont pas encore si présents ! « Trop friable ! », « Trop compact ! » Il faut le dire, mes essais culinaires sont parfois ratés ! Mais la persévérance paie et je trouve rapidement mes recettes de pâtes à tarte.
A cette époque, je suis la reine des tartes salées…Je ne me voyais pas ne plus en manger. Je remplace la farine de blé par celle de riz puis au fil des ans, par celle de châtaigne, sarrasin, pois chiches, maïs, etc., J’ajuste mes mélanges. A la maison, mari et enfants finissent par trouver mes plats gourmands. Et bien qu’ils ne suivent pas un régime sans gluten strict (puisqu’ils continuent à manger du blé), ils apprécient de nouveaux goûts et de nouvelles recettes.
Mon mari sera par ailleurs surpris de constater un confort digestif significatif en ayant de fait, grandement réduit sa consommation de gluten. A domicile, finalement, s’alimenter sans gluten ne s’avère pas si compliqué.
Mais comment fait-on ? Quand on est invité et si on veut aller au restaurant ?
« Je mange sans gluten ! ». Si je le dis, mes hôtes vont paniquer : « Cuisiner sans gluten…mais comment vais-je faire ? », « Tu peux manger quoi ? », « Et si je t’empoisonne ? ».
Alors au début, je ne le précise pas systématiquement. Je m’adapte et jongle avec les plats préparés. Puis doucement, le sujet entre dans les conversations. Certains sauront très vite s’adapter et d’autres, après des dizaines d’explications, me tendent encore aujourd’hui une belle brioche en me disant : « ça tu peux manger hein ? ».
J’en ris. Au restaurant, il y a encore quelques mois, la serveuse s’inquiétait de me changer une purée de pommes de terre maison contre d’autres légumes car elle était persuadée que ces tubercules contenaient du gluten…
Cela dit et pour être tout à fait franche, il y a eu parfois certains repas pris en extérieur qui me déclenchaient de forts maux de ventre et une fragilité émotionnelle incontrôlable. Obligée de m’allonger, de me plonger dans un bain chaud pour apaiser les spasmes. Mon corps ne voulait pas de gluten, pas la moindre trace.
Car parfois, je n’avais pas l’impression dans avoir absorbé… peut-être le fait de contaminations croisées ?
Je n’ai jamais su et cela ne m’arrive quasiment plus. Alors oui, même si aujourd’hui, il est impossible de nier l’explosion du « sans gluten » dans les rayons des magasins et la démocratisation du sujet dans les magazines, sur les réseaux sociaux, etc, il y a encore des choses à dire, des expériences à partager pour que chacun s’approprie correctement le sujet au-delà des effets « mode » ou stigmatisation dans lesquels il faut éviter de tomber.
Pour avoir un peu de recul - 20 ans ça commence à faire !- je suis heureuse de voir que les choses ont bougé.
Certains restaurateurs affichent clairement leur démarche sans gluten. J’ai mes adresses de boulangeries pâtisseries dignes des plus grandes qui déclinent gâteaux, pains, viennoiseries gluten free !
C’est beau, c’est bon et c’est sans gluten ! Comme quoi, c’est possible !
Qu’ai-je gagné dans tout ça ?
Au bout de 4 à 6 mois d’éviction du gluten et bien oui, comme l’avait imaginé ma thérapeute, je sens mon énergie remonter. Tout comme mon niveau de fer qui était souvent bizarrement bas.
Tiens…je n’ai plus mal au dos.
« Oui, c’est normal, les douleurs que vous pensiez liées au dos étaient générées par des tensions intestinales ».
« Non ?! »
Les intestins s’insèrent sur la colonne, au-dessus du bassin. Quand ils sont irrités, des douleurs peuvent apparaître au niveau des lombaires… Incroyable, je n’ai plus de mal. Sujette à des poussées d’herpes à fortes répétions, tiens, je n’en ai plus ! Génial.
Prédisposée génétiquement à la spondylarthrite sans l’avoir déclarée (HLAB27), je vois aussi une chance de prévenir son apparition. En décidant de m’approprier ce régime pour mon bien-être et bien plus, ma santé, les contraintes supposées se sont avérées tout à fait gérables voire négligeables au regard des bénéfices ressentis.
Aucun regret donc, sauf peut-être celui de ne pas avoir été sensibilisée à ce sujet avant mes 30 ans.
Cerise sur le gâteau (sans gluten bien sûr !) :
Chance, concours de circonstances ou tout simplement alignement de compétences et de vécu, il y a 2 ans, je (re)croise le chemin de Sandrine, créatrice de Calicote (site de vente de produits sans gluten).
Nous échangeons sur nos parcours et nous amusons à constater bon nombre de similitudes dans nos vies respectives. De fil en aiguille, l’envie de travailler ensemble.
Me voilà rédactrice de son site pour mon plus grand plaisir, celui d’écrire sur un sujet qui m’est cher, à travers des contenus qui informent, sensibilisent et dédramatisent le « sans gluten ».
Valérie - 52 ans - Rédactrice free lance pour Calicote