Du diabète au diagnostique de la maladie cœliaque.
Janvier 2020. Joris a 5 ans. Nous venons de découvrir qu’il est atteint de diabète de type 1. Il s’agit d’un « diabète juvénile » également appelé « insulino-dépendant ».
L’annonce de cette nouvelle est un premier choc pour toute la famille. L’idée que son quotidien sera dorénavant rythmé par un apport externe d’insuline (injection ou pompe) nous accable.
Sans compter les contraintes alimentaires inhérentes et drastiques avec lesquelles il va falloir s’organiser pour que son taux de glycémie puisse se réguler correctement.
Se ressaisir. Pour lui. Et parce que nous n’avons pas le choix. Cela fera partie de son hygiène de vie. Doser, prévoir, calculer… pour ne pas qu’il soit en hypoglycémie. Ni en en hyper ! Nous organisons scrupuleusement ses repas selon les recettes et les conseils promulgués par les médecins. Consommer des féculents, en quantité conséquente, s’avère capital pour la régulation de son IG (indice glycémique – taux de sucre dans le sang).
Joris n’a pas gros appétit. N’apprécie pas forcément ce qui se trouve dans son assiette.
Nous insistons. « C’est important pour ta santé, il faudrait que tu manges un peu plus ! ».
Mais il est vite rassasié et surtout, a de plus en plus mal au ventre après chaque repas.
S’enchainent des diarrhées importantes, traumatisantes pour lui. Nous constatons par ailleurs qu’il perd du poids, que sa croissance en pâtit.
«Votre fils a un « retard staturo-pondéral anormal »
dira le pédiatre au bout d’un an et demi. Analyses de sang incontournables pour essayer de comprendre. Avec perspicacité, ce dernier n’oublie pas d’ordonner un test pour vérifier sa sensibilité au gluten.
Joris a un taux extrêmement haut d’IGA (+ de 600 u/ml). Suspicion immédiate de maladie cœliaque qui sera confirmée 4 mois plus tard suite à une fibroscopie et une biopsie. Il a les intestins très endommagés : quasi plus de villosités et des perforations importantes.
Ceci expliquant cela…
Nous comprenons que tous les féculents que nous lui proposions jusqu’à maintenant, grandement à base de blé, contribuaient malheureusement à fragiliser ses intestins. Ces derniers n’absorbaient plus les nutriments nécessaires à sa croissance et de plus, ne filtraient plus les toxines. Un véritable empoisonnement de l’organisme.
Deuxième choc. Trou noir et dépression pour moi. Du mal à envisager l’avenir avec toutes ces contraintes et ces risques vitaux pour la santé de mon fils.
Sensation d’avoir à traverser un deuil. Un deuil d’une vie d’avant. D’une vie comme on ne l’avait pas imaginée. Comme si cette gestion déjà lourde du diabète ne suffisait pas, il allait donc falloir impérativement la concilier avec un régime sans gluten.
Mais qu’était-ce au juste ce gluten ? Je n’en entendais parler que de loin, une mode pensais-je…
Où se cache ce gluten ? Comment manger en excluant le gluten ?
Dans cette situation d’urgence, me voilà obligée de prendre rapidement connaissance du sujet et sommée de me réorganiser. Je découvre alors que cette protéine invisible se cache dans bon nombre d’ingrédients que nous ne soupçonnions pas. Ce degré de vigilance m’apparait particulièrement stressant et compliqué.
Nous vivons par ailleurs en campagne et l’accès aux produits garantis sans gluten n’est pas des plus évidents.
Mes supermarchés habituels en présentent quelques uns mais le choix est restreint.
Joris prend lui aussi la mesure de ce nouveau régime.
Il est en âge de comprendre à 7 ans qu’il ne pourra plus manger « comme tout le monde ».
En tous cas, pas comme ses copains. Bonbons, gâteaux d’anniversaires, goûters partagés, cantine, etc. : l’attention devra être de tous les instants.
Très difficile à accepter pour ce petit bout qui doit déjà faire face à la gestion de sa glycémie.
Il faut l’accompagner au mieux dans ces contraintes et cette différence. Je me renseigne, je cherche, et je me lance.
Merci aux réseaux sociaux qui me permettent d’échanger avec d’autres personnes vivant la même situation. Je me sens comprise et moins seule. Je découvre l’existence de sites de vente en ligne de produits sans gluten; ouf ! Je vais pouvoir lui proposer des repas sympathiques et gourmands. Après quelques essais plus ou moins concluants, mes gâteaux et autres plats sans gluten deviennent un plaisir, à créer, à regarder, à déguster ! Je m’attache à lui concocter des repas sans gluten quasi identiques à ce que nous mangeons avec gluten à ses côtés.
Je cale mes menus sur ceux de la cantine pour que son Tupperware ressemble à l’assiette de son copain de table.
De notre côté, nous n’adoptons pas pour autant un régime sans gluten strict au sein de notre famille.
Parce-que nous ne présentons pas de symptômes, ni n’avons été diagnostiqués sensibles au gluten. Et que malgré tout, les produits sans gluten représentent un budget un peu plus conséquent. Ensuite, parce-que je veux que Joris intègre sa différence et qu’il se construise avec. Il faudra qu’il compose avec à tout moment de sa vie.
Il n’en demeure pas moins que bon nombre de mes repas font appel à des aliments simples, ne contenant pas de gluten d’origine. La liste permet tout de même des préparations communes une grande partie du temps.
Pour les pâtes, le pain, les gâteaux, etc., je lui prépare une assiette séparée. Je suis devenue spécialiste des pâtisseries sans gluten, plus compliquées à se procurer dans le commerce rural. Et mes gâteaux d’anniversaire n’ont plus rien à envier aux gâteaux classiques !
La famille et les amis ont de leur côté, intégré cet impératif alimentaire et ont toujours quelques gâteaux sans gluten dans les tiroirs à partager.
Autre soutien important dans mon quotidien, l’AFDIAG.
Je me suis rapprochée de cette association pour ses conseils et le partage d’expériences autour du sans gluten ; et de fil en aiguille, s’est présentée l’opportunité d’intégrer leurs équipes afin de témoigner et d’accompagner toutes les personnes concernées par cette maladie mixte (cœliaque et diabétique).
Un petit guide est en cours : je prends plaisir à l’illustrer de mes dessins humoristiques qui circulent déjà sur les réseaux.
Vous pouvez me retrouver sur Instagram sous le nom de: monster_diab.
Le régime sans gluten : salvateur pour la santé de Joris et pour son diabète.
Aujourd’hui, au bout d’un an de réorganisation alimentaire, Joris va vraiment mieux.
A peine une semaine après le début du régime sans gluten, des résultats spectaculaires étaient là. Plus de diarrhées. Plus de maux de ventre ! Si vite ! Cela paraissait incroyable.
Il reprenait plaisir à se nourrir.
Puis au fil des mois, la croissance est repartie, s’est même accélérée.
Tout comme le développement de sa dentition jusque là bloquée : chute et repousse récente de 4 dents !
« Avant maman, j’avais un mur dans mon ventre ! Mais maintenant je n’ai plus de mur, j’ai faim ! ».
Avant son régime sans gluten, son diabète était très instable. On avait beau appliquer à la lettre les protocoles transmis, rien ne fonctionnait. Joris était tout le temps en hypoglycémie injustifiable.
Un vrai cauchemar ! Là encore, après seulement 1 semaine de changement alimentaire excluant le gluten, les courbes de glycémie ont cessé leurs montagnes russes pour de jolies droites, sans pics !
Grâce à cette surveillance diabétique, on sait de fait que l’on gère bien le « sans gluten ».
Quel bonheur de le voir retrouver joie et vitalité !
Reste encore à accepter « la différence ».
S’il intègre progressivement les contraintes et qu’il acquière le reflexe de dire à l’entourage ce qu’il peut manger ou pas, il n’en demeure pas moins que c’est encore difficile de « ne pas être comme les autres ». Surtout à l'école.
Des moments compliqués mais parfois maman prépare de meilleurs plats qu’à la cantine, l’amenant ainsi à constater que cette différence peut avoir du bon !
Et le temps lui montrera que d’avoir pris soin de son alimentation très tôt sera bénéfique sur l’ensemble de sa vie future.
Esthel